Part 11
Il se fait tard, je n’ai rien à manger. J’éteins la télévision, sans savoir que c’était la toute dernière émission que j’aurai jamais regardée. Je descends au night shop du coin.
J’oublie tellement souvent de faire mes courses à l’avance, que j’ai fini par sympathiser avec le vendeur. Je rentre, et je discute avec lui en choisissant mon repas. J’aime bien ce type, parce qu’il est aussi paumé que moi. Il bosse là parce qu’après un an à chercher du travail, il a pris le premier job qui passait. Il n’aime pas son boulot, mais il ne veut pas se retrouver sans salaire. Il m’explique qu’il se console en se disant que son boulot lui permet de rencontrer à peu près tous les gens du quartier.
Je prends machinalement une pizza surgelée, et je me dirige vers le comptoir. Je la paie. Je le salue et je ressors. J’ai l’esprit ailleurs, et de la même manière que j’ai machinalement choisi mon repas, je rentre chez moi sans réfléchir à mes pas. Je traverse la rue. J’entends un bruit. Un coup de klaxon. Je me tourne vers la gauche. Je vois un bus foncer vers moi.
Depuis que je suis tout petit, on m’a toujours dit que lorsque meurt, toute notre vie nous défile devant les yeux. Pour ma part, rien n’a défilé. J’ai passé mes derniers instants à me dire que, si j’avais su, je n’aurais pas payé pour la pizza.
Le bus freine, mais trop tard. Sans doute une vengeance orchestrée par la compagnie de bus, pour avoir si régulièrement été la victime de mes sarcasmes.
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